dimanche 16 mai 2010

A little walk around taxidermia (2) : les plasticiens

Parce que je ne suis pas la seule à être fascinée par ces masses figées remplies de poils et de foin, je suis donc allé jeter un œil sur les préoccupations de mes compagnons de lubie.
Et c'est là que mon intérêt pour la taxidermie et ses dérivés a vraiment pris son envol. Les sensations et la réflexion que me procurait la vue de ces animaux empaillés se sont décuplées et ouvertes à des horizons inattendus. Selon les artistes, j'étais confrontée au morbide, à la chair, la mort, la texture d'une peau, toutes ces choses qui font que l'on ressent le frémissement d'une vie...ou pas... ou peut-être. Et c'est là que ça devient excitant, ce flirt avec les limites, entre fascination et dégoût, entre animé et inanimé, entre l'organique et le mécanique...

Je vous propose donc un petit tour du propriétaire, à découvrir suivant vos envies respectives :

DAMIEN HIRST
Accessoirement réalisateur du clip de "Country House" de Blur, l'anglais Damien Hirst est surtout connu en tant qu'enfant terrible de l'art contemporain mais aussi comme étant un des artistes actuels parmi les plus chers du monde. "For the Love of God", sa tête de mort en platine incrusté de milliers de diamants atteint une valeur de 100 millions de dollars. On ne se refuse rien ma brave dame!
La rumeur prétend que son goût pour le morbide se serait dévoilé très tôt. Pour preuve, une oreille dérobée lors d'une visite dans un hôpital et ensuite déposée précautionneusement dans la pizza d'un de ses amis. Ouh le vilain psychopathe!
Disposant d'une centaine d'assistants, il découpe entre autres veaux, vaches et moutons pour les présenter à demi : côté pile les tripes à l'air, côté face, le poil au vent, le tout baignant dans de gigantesques bocaux de formol. En 1992, il s'est également offert l'exposition d'un requin... "J'ai dû trop regarder les dents de la mer", explique-t-il. Le problème est que ses œuvres formolesques sont éphémères, le liquide altérant fortement la texture et la couleur des tissus. Hirst se voit donc obligé de recommander un requin à un pêcheur australien pour la somme de £6000 afin de remplacer le premier. En attendant, le requin est devenu le symbole du BritArt durant toutes les années 90. Et Hirst continue de s'enrichir, pouvant même se payer le luxe de vendre directement ses réalisation aux enchères sans passer par des galeristes (au grand dam de ceux-ci).


LISA BLACK
Premier coup de coeur...Bien moins médiatisée, Lisa Black, est une artiste from Auckland (New-Zealand) adulée par le milieu steampunk. Inspirée par des films comme "Blade Runner", "La cité des enfants perdus" ou par des comics comme "Hellboy", elle nous présente sa collection "Fixed", dans laquelle elle répare des animaux taxidermisés cassés en les modifiants au moyen d'accessoires provenant de vieux mécanismes d'horloge, de câbles, d'articulations mécaniques, etc .
La réalisation de son premier animal cyborg a démarré avec la découverte d'un faon empaillé abandonné dans le fond d'un garage. D'autres créations viendront rapidement tenir compagnie à celui que j'ai envie d'appeler "bambinator" : un bébé crocodile avec une clef à remonter au milieu du dos, un caneton au ventre en engrenages, une tortue mécanisée... Tout ce petit zoo mêlant élégamment l'organique au technologique.
Pour son travail, Lisa Black s'inspire directement du mouvement transhumaniste. Elle ajoute d'ailleurs lors d'une interview : "The line between natural evolution and technological evolution is already seriously blurred. I don’t see the difference between vaccines/antibiotics, robotic limbs, and embedded RFID tracking chips". Plus tard, elle cite également une des figures de la Beat Generation qui reprend assez bien l'idée générale du bazar :
I like to think (and the sooner the better!) of a cybernetic meadow where mammals and computers live together in mutually programming harmony like pure water touching clear sky. I like to think (right now, please!) of a cybernetic forest filled with pines and electronics where deer stroll peacefully past computers as if they were flowers with spinning blossoms. I like to think (it has to be!) of a cybernetic ecology where we are free of our labors and joined back to nature, returned to our mammal brothers and sisters, and all watched over by machines of loving grace.” –Richard Brautigan

QUELQUES AUTRES EN VRAC :


Un belge, tout d'abord : Wim Delvoye. Plutôt connu pour "Cloaca", installation scatologico-didactique géante représentant un tube digestif en fonction (avec les sucs pancréatiques, les enzymes, et peut-être même les borborygmes). Il a également voué à la postérité de nombreux cochons tatoués par ses soins et utilisé des animaux empaillés dans une installation anthropomorphique, en l'occurrence un cerf et une biche s'envoyant en l'air dans la position du missionnaire. A classer dans la même veine que d'autres belges tels les chorégraphes Jan Fabre ou Alain Plattel.

Pour l'anecdote, le taxidermiste liégeois Jean-Pierre Gerard a collaboré avec le plasticien français Daniel Firman dans la reconstitution d'un éléphant de 5,60m de haut et pesant 300kg. L'éléphant avait la particularité de tenir en équilibre sur sa trompe! Beau travail sur l'équilibre et la gravité.



Frédérique Morrel : une française qui aurait gagné à être anglaise pour son côté trendy et complètement décalé. Plutôt bien représentée dans les magasines déco, Fréderique Morrel utilise des moules d'animaux taxidermisés pour créer des pièces en mousse de polyuréthane, puis recouvre le tout de tapisseries hautes en couleur aux sujets romantiques ou érotiques. Vintage, art de la récup' et kitsch font ici bon ménage (ou bonne ménagerie, c'est selon).


Pour rester dans le kitsch, visitons l'atelier de la sculptrice américaine Jessica Joslin. Sa ménagerie de squelettes mécaniques, effrayants et attendrissants à la fois, pourrait sans problème figurer dans un film de Tim Burton. Ancienne collectionneuse de mouches, qu'elle scrutait à travers son microscope, elle commence la construction d'animaux étranges en 1992. Une grande majorité sont des oiseaux, ou de petits animaux familiers, souvent mis en scène avec des accessoires de cirque ou rappelant le monde de la musique.


Enfin, Ron Pippin, surement un de mes préférés. Dans la lignée de Lisa Black, il fait se réconcilier Bambi et Universal Soldier. Il est difficile ici de me limiter à la présentation de son zoo mécanique, tant tout son univers est fascinant. Une caverne sans fin de savant fou iconoclaste. Pas moins que ça.
"My work is often related to ideas about the relationship of Science, Art, and Nature. My scientific aesthetic is primarily drawn from the 19th Century, when, I feel, science still had a relationship to beautiful forms."
Des meubles de bois et de métal affublés de loupes énigmatiques, de cartes anciennes, ou de fioles douteuses. Des squelettes dont la vulnérabilité est compensée par un attirail d'ajouts prothétiques, avec un sens du détail époustouflant. Des manuscrits dignes des plus grands carnets de voyage, couverts de talismans inconnus, de peaux de lézards et de schémas anatomiques. Au fil des objets, on ne peut donc s'empêcher de s'imaginer la vie qui se cache derrière ces reliques, et les personnages monstrueux qui les ont manipulés. Je m'éloigne un peu de mon sujet, but this guy rules!

Voilà pour les installations plastiques... La suite? un petit détour par le cinéma, puis l'univers fascinant de la cripto-taxidermie. Entre autres.

6 commentaires:

  1. Dire que chat aurait peu finir en œuvre d'art!

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  2. Frédérique Morrel m'a déjà drôlement tapé dans l'œil pour les murs de ma boutique! Son travail est extraordinaire..
    Chouettos ton blog Isa..

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  3. Thanks Anne. Et promis, je passe par ta boutique un de ces jours. Ca commence vraiment à me rendre curieuse tout ça :)

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  4. "Bambinator" fait désormais partie de mon vocabulaire courant.

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  5. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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