dimanche 16 mai 2010

A little walk around taxidermia (1)

…ou « commençons en beauté avec nos amis les animaux. »

J’ai toujours considéré les taxidermistes comme des demi-fêlés. Ces personnages hybrides exercent sur moi un attrait mystérieux, entre la fascination et le dégoût. Comment rester de marbre face à ces alchimistes de l’inerte, capables de simuler le vivant à défaut de ressusciter Lazare? Je les imagine dans leur antre de dépeceurs méticuleux et misanthropes, entouré de leurs trophées, d'outils inconnus et de bocaux de formol couverts de poussière.
"Vous voyez? On écorche l'animal, on enduit la peau en dedans avec du savon arsenical, ensuite on fait macérer et blanchir les os... Regardez sur cette étagère la belle collection de colonnes vertébrales et de cages thoraciques. Bel ossuaire, n'est-ce pas? Et puis on lie les os avec des fils métalliques et une fois reconstruit le squelette, on y monte une armature, d'ordinaire j'utilise du foin, ou encore du papier mâché ou du plâtre. Enfin, on remonte la peau. Je remédie aux dommages de la mort et de la corruption. Regardez ce hibou, n'a-t-il pas l'air vivant?"
Dès lors, tout hibou vivant me paraîtrait mort, livré par Salon à cette éternité sclérosée.

(U. Eco, Le pendule de Foucault, 1990)
Voilà pour le protocole, en gros.

Une fois mis en forme, l'animal empaillé devient donc en quelque sorte l’antithèse du zombie : un look frais et avenant, le poil presque luisant et même parfois une lueur au coin de leur œil de verre... mais en revanche, avec la totale incapacité de venir se frotter à vos mollets en hurlant. On ne peut pas tout avoir.
Le taxidermiste se targue donc de prolonger la vie, contrairement à l'embaumeur qui n'offrirait qu'une prolongation de la mort (cette vision est sponsorisée par le syndicat des naturalistes taxidermistes de France ). Quoi qu'il en soit, il nous confronte à l'immortalité et à ce qui rend un être vivant ou du moins existant. Je vous laisse méditer là-dessus…


Les premiers taxidermistes modernes étaient pour la plupart des voyageurs naturalistes récoltant leur butin, destiné à être exposé dans les Musées de Sciences Naturelles ou dans des Cabinets de curiosité (lieux ô combien excitants s'il en est). C'est ainsi que Louis XVI put se permettre le luxe de poursuivre ses longues discussions au coin du feu en compagnie de son Rhinocéros défunt (1) . Ce qui en jetait tout de même plus qu'un bocal de poissons rouges.

Il faudra attendre la moitié du 19e siècle pour que ce privilège se démocratise et permette au "tout venant" de conserver son caniche abricot préféré. Cette technique semble d'ailleurs actuellement en phase d'être supplantée par la lyophilisation et la plastination (j'y reviendrai plus tard).
Par après, ont fleuri les premiers dioramas mettant en scène girafes et grands félins dans des postures désinvoltes, trônant au milieu de sous-bois peints et de buissons reconstitués qui rendraient jaloux Ross Geller himself.

Depuis lors, la taxidermie n'a donc cessé d'éveiller l'intérêt d'un public ne se limitant plus aux chasseurs, naturalistes, mamies à chats névrosées et autres émirs quataris. En tant que support témoignant de la relation que l'homme entretient avec les animaux, mais aussi et surtout avec la mort et le vivant, elle a donné lieu à un tas de divagations artistiques en tous genres.

Et c'est là que l'aventure commence...

(1) jusqu'à ce qu'il puisse lui même servir de trophée (mais cela est une autre Histoire)


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