vendredi 18 juin 2010

Le français sauce wasabi (part 2) : J-rock and Visual Kei

Donc, les japonais sont des experts en hybridation improbables, et ça ne s'arrête pas aux devantures des magasins et au choix des ingrédients pour leur ramen de midi. Parce que, l'air de rien, les nippons font également de la musique à leurs heures perdues. Et des heures perdues, ils n'en ont pas beaucoup, alors il s'agit de les remplir avec panache. Et ils font fort, encore une fois.

Kabuki rock




Au commencement, les japonais avaient le kabuki. Mais ça ne leur a pas suffit.

Alors, petite parenthèse pour ceux qui n'ont pas envie de lire tout l'article wiki. Le kabuki est
une forme traditionnelle de théâtre japonais qui accorde une place très importante aux costumes, maquillages ainsi qu'à un jeu scénique à la fois spectaculaire et extrêmement codifié. Les acteurs sont presqu'exclusivement masculins même pour les rôles féminins, interprétés avec une androgynie souvent déconcertante. Les représentations peuvent durer une journée. Ce qui pourrait nous sembler un peu long
(à côté de ça "Enter the Void" de Gaspar Noé, c'est de la roupie de sansonnet). Mais pour eux, ça va . Voilà. En gros.



Donc le kabuki, c'est bien, mais c'est pour les vieux. Alors dans les années 80, une série de petits délinquants juvéniles qui venaient d'user leurs oreilles sur des tubes de Kiss ont décidé de faire plein de bruit en en foutant plein les mirettes des spectateurs. Du kabouki pour les djeuns en quelque sorte. Parce que se déguiser, c'est gai même quand on n'a plus 8 ans. Et que se la péter à donf devant plein de monde, ça défoule. Et se défouler, ils en ont bien besoin.



Ça a donné ça.







Sur le coup, ils ne se sont pas foulé pour le nom du groupe. Mais ils avaient déjà passé tellement de temps à encoller leurs crêtes qu'on pouvait bien les excuser. Dix ans plus tard, alors qu'ils s'appellent désormais les "X Japan", un journaliste crée un nouveau sous-genre au J-rock à partir de leur slogan "Psychedelic violence crime of visual shock" : ainsi est né le Visual Kei.



Et en tant que produit jap', le Visual Kei ne déroge pas à la règle : y a du mélange improbable sous roche. Tout en restant autour de la sphère rock, le Visual Kei se ballade ostensiblement entre glam, pop, métal, punk, hardcore voire hip hop. Leur point commun est l'accent porté sur l'identité visuelle du groupe, poussée à l'extrême. Fringues, maquillages et jeu de scène déploient des trésors d'extravagance et partent explorer les univers les plus divers. En veux-tu plein les yeux? En voilà. Et même pas peur : la peur c'est pour les faibles.



Ok, c'est bien beau, mais et le français dans tout ça? Il arrive, il arrive.



En effet, on ne sait pas trop pourquoi, des tas de groupes japonais ont décrété que le français donnait un air savoureux à leur musique. Peut-être à cause du pain.









Ils se sont donc mis à utiliser des termes français dans tous les sens. Enfin, parfois ce n'est même pas la peine de les chercher dans un dictionnaire (même un québécois), mais on n'est pas à ça prêt. Ça y ressemble et c'est ça qui compte. Parfois aussi les mots existent bel et bien, mais leur association ne veutpas dire grand chose. Mais là encore, on s'en fout, c'est juste trop kawai!



quelques exemples : Malice Mizer, Penicillin, Moi dix mois, Due le Quartz, Poitrine, Noir Fleurir, La'Mule, Rentrer en soi, DéspairsRay...



Eh oui!



*Paris l'Amuur l'amuur Champs Zélysées* trop trop bien :)



Donc, récapitulons : apprendre une langue avec les noms foireux de grands magasins et les devantures de coiffeurs, c'est fait (cf post précédent pour ceux et celles qui n'auraient pas suivi). Repérer les mots repris d'autres langues qu'on connait déjà, aussi.
Et bien nous passons au chapitre suivant : celui où ils décident que Louis XIV est leur ami.



Voilà donc Versailles.







Faut quand même avouer : ces gens ont le sens du grandiose. Et on en viendrait presque à regretter nos cours d'histoire à ce train là.



Autre groupe, autre ambiance : Psycho la Cemu. Le nom ne veut rien dire, mais, précisent-ils dans une interview, les sons faisaient très français. Ce qui suffit, comme je l'ai déjà dit. Par contre, leur rapport à la France s'arrête là, et visuellement, on est dans un tout autre registre. Ils font partie d'un sous-sous-genre appelé le Cosplay Kei (contraction de "costume playing"). Leur univers est teinté de super héros pops et flamboyants et les fans reprennent leurs chorégraphies en chœur lors de leurs concerts.

Voyez plutôt.









Presqu'aussi coloré, tout autant extrême, mais radicalement différent : Dir en Grey.

Figure de l'Eroguro ("Erotique grotesque") aux côtés de groupes comme Cali=Gari (oui, ils font très fort pour leurs noms de groupes), Dir en Grey est un groupe réputé pour son éclectisme musical et ses compositions de plus en plus trashes et violentes (cf. leur titre "Obscure"). Ils mettent de plus en plus en scène des scènes SM avec des nanas enchainées dans leurs combinaisons de vinyle, des monstres humanoides (oui, les clowns sont des montres aussi) baignant dans des bains de sang, sperme et autres liquides peu identifiables, tout ça pour la plus grand joie de leur public.



Voici donc "raison detre" (sic) :







Pour info, l'eroguro est un genre dépassant de loin la musique pour s'étendre à la littérature, au cinéma (cf L'Empereur Tomato Ketchup de Shuji Terayama qui a inspiré le morceau éponyme des Bérus) et au manga.



Et juste pour le plaisir, quelques petites perles Visual Kei (mais qui n'ont pas forcément de lien avec le français):

- Sendai Kamotsu : 仙台貨物-絶交門PV(full ver.) un mélange de Plopsaland hollandais avec des références évidentes au kabuki sur fond de lynchage de ninjas.

- SuG -p!nk masquerade : un gentil vampire kibrille très mais très très fort en jouant de la dance.

- Aicle. Que sera sera : en plein mythe de l'androgyne Oshare Kei (oui, encore un autre sous-sous-gente).

- Maximum the Hormone : hardcore jap'. J'ai un petit faible pour ces grands malades... même si on quitte un peu l'univers visual kei.

- Imitation PoPs uchuu sentai NOIZ- Battle Capsule : Alors là, le mélange est aussi surprenant : entre le 24h chrono de Jack Bauer et l'univers des super Sentai :D

- Et un autre Psycho le Cemu, juste pour leur côté vraiment too much!



Au revoir...



4 commentaires:

  1. Je pense qu'Enter the Void serait mieux passé si il y avait eu des sentai goths androgynes dedans.

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  2. mais les sentai goths androgynes n'ont pas d'âme, les malheureux. Ceci dit en effet, du coup, ce film aurait été bien plus court!

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  3. (c'est fou comme il y a des films que je n'ai pas envie de voir...)

    Dis-moi, Isa, penses-tu que je devrais faire dans l'Ero guro pour lancer ma carrière internationale?

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  4. Mlle Cath : (oui, je me sens un peu seule dans le genre "moi, j'ai quand même bien aimé ce film, mais ça doit être à force de danser des trucs en slow motion dans les escaliers de la Médiathèque")

    Quant à l'Ero Guro? Faudrait peut être y penser lors de ton prochain achat chaussure par exemple (mais faudra te mettre aux talons de plus de 12 cm alors) ;) (ça c'est juste pour dire que je lis ton blog). Ou bien tu sors une version vinyl de ton prochain album :P

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